samedi 27 juin 2015

Réflexions sur le voyageur

En lisant le livre de Sylvain Tesson, "Petit traité sur l'immensité du monde", de nombreux passages ont fait écho en moi.
Sylvain Tesson, voyage, la plupart du temps, sans moteur, c'est-à-dire qu'il parcoure de grandes distances à pied, à cheval ou en vélo. En revanche, moi, j'ai utilisé tous les moyens de transport possibles : la marche, le touk-touk, le taxi, le bus local, le bus confortable et climatisé, le 4X4, le bateau, le train (entre la Thaïlande et le Laos) et l'avion.




Cependant, j'y ai trouvé des réflexions communes à tout voyageur... Ces passages sont extraits du "Petit traité sur l'immensité du monde".








« Le nomadisme historique est une malédiction des peuples éleveurs. Ces vrais nomades sont des errants qui rêveraient de s’installer(…) Il est cependant une autre catégorie de nomades. Ils n’appartiennent à aucun groupe. Ils se contentent de voyager silencieusement, pour eux-mêmes, en eux-mêmes. On les croise sur les chemins du monde. Ils vont seuls, avec lenteur, sans aucun autre but que celui d’avancer. »





« Pour échapper à la course déclinante que nos âmes sur la terre mènent contre la montre, rien ne vaut de se déplacer lentement, pas à pas. Baissons l’allure et le temps lui-même, par un effet d’imitation, ralentira son débit.
Mes voyages préférés sont ceux au cours desquels je me présente à la nature à armes égales, sans moteur, sans pouvoir aller plus vite que mon énergie ne l’autorise. (…) Aller à cheval, à pied, en canot et même en bicyclette.  La lenteur révèle des choses cachées par la vitesse. On ne déshabille pas un paysage en le traversant derrière la vitre d’un train ou d’une auto (…) »





« Le voyage est cette surface qui est offerte à la pensée pour divaguer en toute liberté. Je me souviens de journées entières consacrées à marcher cinquante kilomètres, en solitude, sur un terrain uniforme (…). Quand le corps avance, l’esprit à tout le loisir de se pencher sur le parapet des souvenirs, se livrer à la contemplation, de réfléchir au monde et de rêver, peut-être. »





« Le propre des voyants est de ne jamais se satisfaire de ce dont leurs yeux se contentent. Ils traquent l’universel en fouillant l’anecdotique. Un voyageur doit être capable de glisser du brin d’herbe au cosmos (…) Mais la capacité d’émerveillement varie injustement selon les êtres. Ouvrir les yeux (et être capable de s’émerveiller) est un antidote au désespoir. »





« La jacinthe d’eau s’est déjà proclamée espèce unique sur certains plans d’eau. Et le spectre de l’uniformité ne rôde pas seulement autour des bêtes et plantes. Les hommes, leurs idées, leurs aspirations, leurs dieux et leurs œuvres sont menacés par la civilisation du Même. »





« Aujourd’hui, le discours commun tend à répéter qu’à l’aube de XXI eme siècle, il n’y a plus rien à connaitre du monde et de sa géographie. Les pessimistes pensent que le balayage de la terre par l’œil des satellites suffit à en faire disparaitre le mystère. C’est oublier un peu vite que la lentille du télescope ne dévoile que l’écume des choses : un regard est une caresse, il effleure sans comprendre, il passe sans fouiller, il glisse sur l’essentiel. Aucun programme de reconnaissance satellite ne vaudra une expédition à pied dans un parage méconnu. »





« Quelle que soit la direction prise, marcher conduit à l’essentiel. »



« Les gens imaginent que l’errant va le nez au vent. Pourtant, c’est avec rigueur qu’il trace sa route. Il faut de la discipline pour ne pas céder à l’envie d’une halte. Il faut de la méthode pour gagner le rythme nomade, cette cadence nécessaire à l’avancée et qui aide le marcheur à oublier sa lenteur. »





« L’amoureux de la géographie croit calmer sa fièvre du monde dans la consultation des cartes. Mais qu’il y prenne garde ! (…) La carte, dans les âges lointains, a scellé l’antique collaboration entre le voyageur qui ose s’aventurer hors de l’œkoumène et les savants qui réduisent en dessin les informations rapportées. Mais, hélas, sitôt levée, la carte précipite la mort du rêve. Chaque parcelle cartographiée est un royaume perdu pour l’imagination. »





« L’une des vertus du bon wanderer (voyageur) est de ne rien attendre du chemin qu’il emprunte. A chaque pas, il cueille des émotions, il se gorge de nouveautés, mais il n’essaie pas de trouver de correspondances entre ce qu’il découvre et ce qu’il espérait trouver. (…) Et pourtant, il y a cette mode chez les voyageurs d’aujourd’hui de se lancer sur les traces de leurs prédécesseurs. (…) Est-ce parce que la terre n’offre plus suffisamment d’espace vierge pour qu’il soit possible de tracer des chemins nouveaux ? L’imagination a-t-elle déserté l’esprit des voyageurs modernes ? "





« Souvent, assis sur la haute branche d’un arbre, ou bien foulant un chemin de campagne, je me dis qu’il n’est pas de meilleur endroit qu’une cabane pour finir ses jours. (…) Ma dernière volonté sera d’être enterré sous un arbre que mon corps contribuera à nourrir. Ce sera ma manière de m’absoudre. »


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